La Parole de nos vies

Un Bibliste nous ouvre son cœur: témoignage de Monseigneur Lafont, Évêque de Cayenne



En 2008, Yves Quémeneur est allé rencontrer Monseigneur Lafont, évêque du diocèse de Cayenne. Il l'a suivi dans son quotidien, ses visites aux fidèles reculés sur le territoire. Il a découvert l'attachement du Père Emmanuel, grand bibliste, à faire connaitre et aimer la Bible aux habitants de la Guyane.

 

En bavardant avec Mgr Emmanuel Lafont, évêque de Cayenne pour la Guyane, en compagnie de quelques amis, il nous disait : « nous avons deux mains, l’une pour tenir la Bible, l’autre le journal ». À méditer ! A une époque où l’on n’a pas encore résolu la tension entre prière et action, ou engagement dans le monde et contemplation...

 

Mais ce n’est pas la seule richesse que je voudrais vous partager à la suite de quinze jours passés dans ce département d’outre mer qui a 540 km de frontière avec le Brésil.

 

  • Premier contact dans l’heure qui a suivi mon arrivée. Les amis qui viennent me prendre à l’aéroport après les neuf heures de vol depuis Orly me disent : « On va à la “messe qui prend son temps” où Emmanuel est avec des jeunes cet après midi de dimanche ». Dans une église d’un quartier de Cayenne, environ 120 jeunes (de 12 à 20 ans) sont en carrefours, bible en main pendant trois quarts d’heure, ils lisent discutent, écrivent, puis le Père Emmanuel, pendant une demi-heure, répond aux questions écrites qui lui ont été posées – la lecture proposée était les premiers chapitres de l’Exode ! De quoi dire, de quoi expliquer !
  • Le lendemain, autre cadre, celui, plus solennel, de la cathédrale. À la messe, célébrée à 18 heures, succède une heure d'enseignement biblique. Cette fois-ci, ce sont environ soixante paroissiens de tous âges qui participent à cette catéchèse épiscopale.

Au menu, le commentaire du livre de Josué. Tous les lundis de carême, le Père Emmanuel reproduit ce type de séance : lecture et catéchèse biblique, car vraiment l’évêque de Cayenne croit à l’enseignement biblique. Il vient d’ailleurs de faire éditer 15 000 bibles "personnalisées" pour la Guyane avec quelques photos de ses paroissiens et il me disait « je croyais que j’en aurais assez pour trois ans, mais tout va partir la première année ! ». (Rappelons que la Guyane a au maximum 250 000 habitants…. Vous voyez le ratio bible/habitant!).

  •  Troisième scène : huit jours plus tard, à Camopi, village amérindien à 5 heures de pirogue en remontant l’Oyapoc qui fait frontière avec le Brésil. L’an dernier, le Père Emmanuel y a baptisé 68 enfants, mais en fait la population est encore peu catéchisée et la "concurrence" est vive avec les prédicateurs baptistes qui viennent chaque semaine de l’autre côté du fleuve. En fin d’après midi, nous commençons de rencontrer les gens sous le "carbet" attenant à la maison d’un chrétien, où nous célébrerons la messe. Emmanuel prend sa bible, en distribue deux ou trois et commence la lecture de la première lettre aux Thessaloniciens : « Nous rendons grâce à Dieu à tout moment, frères, parce que votre foi est en grand progrès et que l’amour de chacun pour les autres s’accroît parmi vous tous ». Et Emmanuel de commenter, d’interroger tel ou tel, puis on prend un cantique, on chante quelques couplets et on reprend le texte biblique. Cela dure ainsi deux bonnes heures. Des mamans allaitant leurs bébés viennent, écoutent, qui cinq minutes, qui plus, partent, reviennent, des jeunes, des plus vieux.

À 19 heures, nous commençons la concélébration avec soixante paroissiens, prodigieusement attentifs. À la fin, Emmanuel me dit, avec un léger sourire : « On n’a peut être pas respecté toutes les rubriques ! » Première fois, quant à moi, que je célébrais la messe nus pieds en présence d’une assemblée exclusivement amérindienne ! Mais comme les paroles d’évangile résonnent dans les cœurs !

 

Je ne vous raconte pas tout, mais je pense que « le Père Emmanuel » comme on l’appelle là bas, qui fait partie des quatre évêques qui représenteront la conférence épiscopale française, aura des choses à dire au prochain synode des évêques en octobre [2008] à Rome sur La Parole de Dieu.

 

Yvon Quémeneur, éxégète