Voici une réflexion, telle un poème, du Père Eric COURTOIS, curé doyen en Yvelines.Il nous parle de la mort, dans le coeur de l'homme, et de la Vie redonnée par Jésus et sa parole.
Lazare est mort.
Et un mort, « ça ne parle pas » !
Tout le monde parle dans cet évangile : Marthe – Marie – Les disciples – Jésus…
On sait même ce que se disent les juifs.
Bref, tout le monde parle...
Et même tout le monde parle… de Lazare, sauf Lazare qui ne dit pas un mot.
Car il est mort !
La mort n’a rien à dire.
On peut l’interroger… Elle ne répond pas. Elle ne répond jamais. Elle est « lâche » !
Elle est le contraire de « l’œuvre de Dieu ». Elle est l’Anti-Parole !
La vie fait « apparaître » un visage, une face…
la mort fait « disparaître » les visages ; elle efface !
Elle ne montre jamais le sien et fait « disparaître » celui des autres !
Quand les vivants font des discours à propos d’un mort, ou sur la mort,
c’est souvent pour se rassurer eux-mêmes, parce que le vide est insupportable,
parce que la mort est absurde !
Et maintenant … ?
Jésus est en face du tombeau de Lazare.
Lui, qui est « la VIE », pour l’instant, est en face de la mort.
Lui qui est la Vérité de Dieu, la Parole du Père, se trouve en face de l’Anti-Parole !...
Comment Jésus lui-même va-t-il réagir ?
Quelle va être l’issue de ce « face à non-face » ?
D’abord Jésus réagit comme tout homme :
Jésus était,...est, l’Ami de Lazare. Lazare est mort ; Jésus pleure…
Le « Fils de Dieu » pleure en voyant la mort de l’homme !
Ensuite,Jésus va combattre la mort en la traquant
jusqu’au fond du tombeau où elle célèbre sa dernière victoire.
Mais il commence à la combattre dans « le cœur de l’homme »
où la mort cherche toujours à remporter sa première victoire :
le manque de Foi, le manque d’Espérance, le manque d’Amour,
ce que la Bible appelle le péché, (ou) la vie sans Dieu ,
voilà toujours le premier combat et la première victoire
que la mort remporte dans le cœur de l’homme.
Et chacune à leur tour, et Marthe, et Marie, ont raison de dire à Jésus :
« Si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort » !
Si l’Esprit de Dieu était présent à chaque instant de nos vies,
nous non plus, nous ne serions pas sujet, ou plutôt, « objet » de mort.
Mais voilà, bien souvent, nous prenons nos décisions dans la vie
sans écouter la voix de Dieu.
C’est-à-dire que nous prenons des décisions dans la vie
qui ne sont pas toujours des décisions « de vie ».
Ce sont des choix libres, mais parfois des choix de mort.
Et Jésus va faire en sorte que se produise aujourd’hui
le contraire de ce qui s’est fait quatre jours auparavant :
Le premier miracle de cet évangile est la confiance des serviteurs
qui « enlèvent la pierre » qu’ils ont mise quatre jours plus tôt.
En mettant la pierre, ils avaient séparé le mort des vivants.
Et Jésus ré-ouvre aux morts le chemin de la Vie
Lui , Jésus, va donner la parole au mort
qui est dans le silence du tombeau ; et il en jaillit la Vie !
C’est par la Parole qu’Il a créé le monde ;
c’est encore par la Parole qu’Il nous rend la vie :
« Lazare, viens »,
« Lazare, viens dehors » !
Il fait ensuite « délier »
celui qui est sorti pieds et poings liés.
Dans l’Évangile, « délier » signifie pardonner et libérer :
« Ce que vous liez ici sur terre sera lié dans le ciel,
et ce que vous déliez sur la terre sera délié dans le ciel »(Mt 18,18).
Le pardon est toujours une libération
pour celui qui le donne comme pour celui qui le reçoit.
Cependant, ne nous trompons pas sur le sens de cet évangile,
car si Lazare est ressuscité, il a quand-même dû mourir à nouveau.
Et comme nous sommes souvent tentés de tout ramener à notre expérience,
nous pourrions nous dire que la « résurrection » est le fait de revenir à cette vie présente.
Jésus veut entraîner tous les hommes dès maintenant
vers la vraie Vie,
celle qui naît d’une relation vivante à Dieu.
Et la résurrection n’est pas la récompense des seuls amis de Jésus.
Tous les hommes en effet ressusciteront, les bons comme les méchants.
Car le projet de Dieu est de nous voir vivre dans l’intégralité,
dans toute l’intégrité de notre personne,
y compris dans la dimension sensible de nos capacités relationnelles,
ces capacités dont la mort justement nous prive.
La mort est silence,
mais Dieu aura le dernier mot en chacune de nos vies !
Saint Jean le dit clairement :
« L’heure vient où tous ceux qui sont dans les tombeaux
vont entendre la voix du Fils de l’homme, et ils sortiront :
ceux qui ont fait le bien ressusciteront pour entrer dans la Vie,
ceux qui ont fait le mal pour être jugés » (Jn 5, 28-29).
Entrer dans la Vie est actif,
Être jugé est passif.
Celui qui dès cette vie entre activement
dans la logique de la Vie de Dieu,
la Foi, l’Espérance, l’Amour, le Pardon,
celui là ressuscitera pour « entrer dans la Vie ».
Celui qui reste passif
et refuse d’entrer dans le pardon et la confiance,
celui là ressuscitera passivement pour être jugé.